Contribution / Un 17 octobre kabyle à Paris
- Rédaction
- 18 oct. 2016
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Je reviens sur la journée d'hier, pour apporter plus de précisions et raconter mon expérience que j'estime intéressante à partager avec vous, non pas pour faire valoir ma petite contribution qui n'est que le devoir de tout Kabyle envers sa mère patrie la Kabylie, mais pour voir que le MAK est loin d'être aussi insignifiant qu'on voudrait nous le faire croire.

Tout a commencé à 17H00 sur le Pont Saint Michel, j'arrive sur place avant l'heure de la manifestation qui était prévue pour 18H00, comme notre groupe l'avait annoncé ; je rappelle que le but était la dénonciation de l'inquisition en Kabylie, et de la condamnation depuis le 31 juillet dernier de Slimane BOUHAFS, un Kabyle Chrétien, à trois ans de prison ferme après sa condamnation à 5 ans de prison ferme et 100 000 DA en premier jugement, ainsi que pour dénoncer la vague de répression qui s'abat sur les militants et cadres du MAK ; au final pour dénoncer l'entreprise coloniale algérienne en Kabylie.
Une fois sur le pont Saint-Michel, j'étais le premier de notre groupe de souverainistes kabyles qui avait prévu l'action masquée, "notre action signature" ; j'avais sur moi tout le matériel nécessaire, c'est-à-dire, pancartes, drapeaux, banderoles et tracts ; sur place il y avait déjà un groupe d'algériens ornés de couleurs turques alors j'étais le seul aux couleurs représentant la Kabylie ; dès mon arrivée, je remarque des regards hostiles me scruter comme l' indésirable venu s'incruster dans le camp adverse.
Aussitôt installé, deux CRS m'invitent gentiment à me retirer pour me poser des questions à l'abri de ces regards malveillants ; j'ai remarqué au loin un algérien avec une oreillette reliée à son téléphone portable, j'ai su par la suite qu'il n'était pas un fonctionnaire français, mais plutôt du service de sécurité de l'ambassade algérienne ; une fois à l'écart, trois autres CRS arrivent en renfort, ils me demandent cette fois-ci de me diriger à l'opposé du pont pour m'extraire de la foule algérienne qui a commencé à s'exciter et à se poser des questions à mon sujet ; j'ai trouvé cette scène assez désobligeante à mon égard, ce qui m'a un peu énervé; une fois de l'autre côté, je prends à part un des CRS équipé à la "Robocop", lui demandant : " pouvez-vous m'expliquer ce qui se passe, car moi, je n'ai rien compris", lui-même n'avait pas grand chose à me répondre, il m'a simplement dit : " veuillez patienter un officier arrive".
Au bout de quelques minutes, un policier en civil avec son émetteur-récepteur, arrive et me demande ma carte d'identité, je me suis opposé de suite en lui disant ", c'est une interpellation ou quoi ?" il me répond que ce n'est qu'une simple vérification, je lui tends alors mon titre de séjour sur lequel il relève le numéro d'enregistrement ainsi que mon nom qu'il communique par radio ; après vérification , il me le rend en me confiant ceci : " c'est pour votre sécurité Monsieur, vous êtes un indépendantiste kabyle au milieu des Algériens, nous sommes responsables de votre sécurité".
À cet instant, deux militants souverainistes arrivent Djamal.G d'abord puis un instant d'après, c'est au tour de Karim de faire son apparition, ils ont tout de suite remarqué l'encadrement abusif des CRS, ils étaient 5 agents à me surveiller en plus de l'agent algérien qui est resté à l'écart à quelques mètres de moi ; arrivent alors Nasser et Boukhalfa nous nous retrouvons alors au nombre de 5 souverainistes Kabyles sur l'autre coté du pont Saint-Michel ; nous avons décidé de passer à l'action et de nous déplacer de l'autre côté à la grande surprise des CRS complètement déroutés.
Nous avons commencé à distribuer des tracts dénonçant la condamnation de notre camarade, Slimane BOUHAFS et d'autres tracts qui condamnent la répression qui s'abat sur le MAK ; nous croisons alors Philippe POUTOU (porte parole du nouveau parti anticapitaliste), que nous avons de suite pris en aparté, ce qui a permis à Boukhalfa et Nasser de très bien lui expliquer la situation politique en kabylie, le MAK, l'affaire Bouhafs et l'inquisition que subit la Kabylie de la part du colonialisme algérien ; après nous avoir transmis ses coordonnées nous promettant son implication et son vœu de nous revoir très prochainement , nous avons continué à sillonner la foule et distribué nos tracts , nous rencontrons à ce moment là, Youcef Zirem l'écrivain Kabyle et Idir un autre militant souverainiste qui nous ont rejoint ; très vite, nous sommes une douzaine à nous rencontrer sur place, le drapeau Kabyle affiché fièrement révélant notre identité et notre visage public.
Nasser nous a invité à tenir notre action masquée qui est devenue notre propre empreinte, masques et pancartes à la main ;ce fut une action éclatante qui a détourné l'attention de tous les présents, médias et officiels algériens ; entourés par une foule excitée qui nous prenait en photo, les caméras sont braquées vers nous ; même les Algériens qui nous encerclaient n'étaient pas là pour nous lyncher, mais plutôt pour nous prendre en photo; tout le monde chuchotait à droite et à gauche : " c'est le MAK !", " c'est le MAK! " ; je me suis rendu compte du respect que le MAK avait gagné auprès même de nos adversaires.
Les émetteurs-récepteurs des CRS et autres services d'ordre en civil et en uniforme hurlaient à la surprise de tout le monde : " dépêchez-vous" au milieu de la foule, "les militants du MAK ont tenu leur action" ; entendre le nom du notre mouvement "MAK", dans les émetteurs récepteur des CRS français était une sensation enivrante.
Et d'un seul coup nous étions face à toute une armada de CRS et d' agents des renseignements français, mais sans qu'ils interviennent, vu l'enthousiasme, le nombre d'appareils photos et de caméras qui entouraient notre action ; beaucoup des présents voulaient prendre une photo à nos cotés , y compris les membres du mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), venus s'afficher avec nous.
Nous étions sollicités de partout, médias, presses écrites, associations et autres personnalités; je me suis dit avant de quitter avec mes camarades, ce pont de Saint-Michel," le MAK a parcouru un long chemin, il a atteint un statut de respectabilité même auprès de nos pires -ennemis- d'hier".
En conclusion, une action concrète vaut mieux que mille discours, de simples CRS français qui crient le nom du MAK un 17 octobre à Paris, une revanche pour nos ancêtres qui ont été jetés 55 ans auparavant sur ce même pont de Saint-Michel : à l'époque ils subissaient les foudres d'un colonialisme français abject et aujourd'hui, Nous, leur descendance, subissons les mêmes foudres d'un colonialisme algérien tout aussi abject que celui de leur temps.
Nous leur avons juré de continuer notre combat et d'être loyaux à leurs sacrifices et à notre Mère Patrie la Kabylie, les seuls dignes de notre loyauté jusqu'à l'indépendance de la Kabylie et de la construction d'un Etat kabyle souverain et moderne, la seule vraie réparation pour l'injustice subie et les sacrifices qu'ils ont fournis.
Nacer Tigrine,
Souverainiste Kabyle
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